Une expérience pédagogique innovante au DEPT

Une expérience pédagogique innovante au DEPTLe jeu sérieux pour ancrer les apprentissages

les 17 et 18 février 2022, un jeu sérieux de négociation et de simulation politique a eu lieu au Département d'Etudes Politiques et Territoriales. Fanny Vincent, Maîtresse de conférences en Science Politique nous accorde un entretien durant lequel elle revient sur cet événement inédit.

Le 17 février dernier, salle de Conseil de l’Université, il est 10h45, le drapeau européen érigé en fond, le ton est formel. Les différents badges portés par chacun des participants indiquent « eurodéputé(e) », « journaliste » ou encore « lobbyiste ». La qualité des discours et des échanges fait penser à une réelle séance de débats parlementaires.

Non, il ne s’agit pas de la délocalisation du parlement européen, ni même d’un tournage de film ! En réalité, les étudiants se livrent à un grand jeu de rôle de négociation et de simulation politique, un dispositif pédagogique immersif élaboré par l’association « Les Ateliers Ludosophiques » sous l’impulsion de Fanny Vincent, Maîtresse de conférences en Sciences politiques.

 

En quelques mots pouvez-vous nous dire comment est née cette initiative ?

Cette opportunité part de la sollicitation de l'association Les Ateliers Ludosophiques, association montpelliéraine qui met en place ce genre de dispositifs depuis cinq ans dans les

Universités à Montpellier et à Toulouse. Suite à un appel à projet, l’association disposait d’un financement pour développer le dispositif en dehors de la région Occitanie. C’est dans ce contexte que j’ai été sollicitée et qu’avec mes collègues du Département d’Etudes politiques et Territoriales nous avons réfléchi à l’intérêt de développer ce dispositif pour nos étudiants de master 1. Nous sommes une petite équipe, certains avaient déjà pensé le mettre en place dans leurs cours et cela nous paraissait être un dispositif intéressant. Ensemble, nous avons discuté et sélectionné une thématique transversale à nos 3 parcours de master : l'agriculture durable et l'alimentation.

 

Comment se sont préparés les étudiants pour ces journées ?

Au niveau du DEPT, nous avons coorganisé l’événement avec l’association, qui elle, s’est occupée du fond de la simulation, de son contenu, du jeu en lui-même. En tant qu'enseignante, je me suis chargée de la coordination de l'événement au DEPT. J’ai donc suivi toutes les journées, celle de préparation du 14 janvier puis celles du 17et 18 février. Plusieurs collègues responsables de formation sont aussi venus y assister . Nous avons donc eu un regard plutôt extérieur. Tout a vraiment démarré avec la journée de préparation à la simulation, le 14 janvier qui malheureusement, du fait de l'épidémie, a eu lieu en visio. L’association a commencé par expliquer à tous les étudiants de M1 quel était le rôle du Parlement européen et des eurodéputés, les règles de fonctionnement de l’institution, de négociation, etc. . Les étudiants étaient armés de manière assez inégale, par exemple entre les étudiants du Master AlterEurope spécialisés sur les questions européennes, et les étudiants du Master Santé par exemple qui avaient des connaissances beaucoup plus hétérogènes sur le sujet.

Progressivement, l'association a abordé les éléments d’organisation du jeu de simulation, et notamment quels étaient les rôles que chacun et chacune allait avoir : eurodéputés, selon la répartition des différents groupes politiques du Parlement ; lobbyistes, car les lobbys peuvent aussi influencer les prises de position des eurodéputés ; deux président(e)s du Parlement européen et deux étudiant(e)s journalistes pour retransmettre les échanges. On en est venu ensuite aux règles du jeu.

Cette journée n’était pas une journée de cours magistral. L’association a eu recours à des techniques de discussion d'animation souvent un peu différentes de nos méthodes plus traditionnelles, c’est aussi ce qui était intéressant et a permis de donner un peu de rythme à cette journée à distance. Des quizz avec des classements à la clé ont été proposés aux étudiants, ce qui assurait aux premiers la priorité sur le choix de leurs rôles. Le but était aussi de varier les modalités pédagogiques. A l'issue de cette journée, les étudiants ont suivi un MOOC créé par l’association. Ils ont tous dit qu’il était très bien fait et que ça avait été une très bonne ressource pour eux.

Pour les journées de simulation du 17 et 18 février, il leur avait été demandé de préparer et travailler, selon leur rôle, un discours de position ainsi qu’un certain nombre d'amendements qu'ils pourraient faire passer et négocier avec les autres partis (pour celles et ceux qui étaient eurodéputés).

Pour les étudiants président et présidente du Parlement européen, l’association a aussi pris un temps pour leur expliquer en quoi consistait leur rôle de président et ce qu'ils allaient devoir faire le jour J. Pour les deux étudiantes journalistes, j'avais pris contact avec le pôle audiovisuel et la direction de la communication UJM pour valoriser l'événement à travers la capture d’images ou de vidéos, qui ont proposé de travailler avec ces deux étudiantes en amont pour les former à la caméra et pour définir ensemble une stratégie de communication pour le jour J.

 

Selon vous, quelle est la place d'un jeu de simulation au sein de l'apprentissage ? Quelle plus-value et quels avantages avez-vous pu en tirer ?

Le jeu de simulation est un temps d’apprentissage différent dans le parcours des étudiants, ce n'est pas un temps d'enseignement « classique » puisque ce ne sont pas les enseignants qui viennent faire cours. Ce n'est pas non plus à proprement parlé un temps d'enseignement  par l'association, c'est plutôt un temps d'expérimentation concrète, de mise en pratique durant lequel les étudiants travaillent différemment des compétences qu'on a plus ou moins le temps et l'occasion de travailler en cours, comme par exemple le fait de prendre la parole en public, de défendre des positions, mais aussi la coopération et le travail d’équipe. Ils étaient plus ou moins stressés, c'était quelque chose d'assez difficile pour eux, d’autant que le jeu réunissait les trois promotions de masters 1, soit environ 40 étudiants.

L'idée était aussi d'aller négocier et de voir comment on peut créer des alliances, chercher à convaincre. Dans ce type de jeu, quand on incarne un certain rôle, il y a aussi une certaine cohérence pratique et politique à respecter, et ça n’a pas toujours été facile ; c'est un peu la limite. Certains se sont parfois laissés emportés par ce qu'ils avaient envie de défendre personnellement, et ont pu avoir du mal à « tenir » leur rôle. Mais entre le premier jour et le deuxième jour on a vraiment vu qu’ils ont gagné en cohérence. Ils se sont familiarisés avec les modes de fonctionnement de l'institution et ils ont un peu plus fait attention aux alliances qu'ils nouaient et aux amendements qu’ils proposaient. De ce point de vue-là, ils ont aiguisé leurs les capacités de négociation, de coopération et de discussion. Ca les a incités à sortir du cadre qu’ils connaissaient habituellement.

Il y a aussi une dimension d'esprit critique et de conscience citoyenne derrière ce dispositif de « jeu sérieux ». On ne les fait pas seulement jouer ou expérimenter tout un tas de de compétences d'un point de vue concret, l’idée est aussi de les engager dans une réflexion sur ce qu'est le fonctionnement européen et de manière générale sur ce que sont les institutions de la vie démocratique. Leur faire prendre du recul, les amener à s’interroger sur nos institutions et les mécanismes démocratiques est important,  tout comme se mettre à la place des autres et réfléchir différemment de ce dont on a l'habitude : tout ça, je trouve, sont des choses intéressantes, qu'on met en place à l'échelle des cours mais de manière moins concrète.

Enfin, le décorum était aussi important, on avait demandé aux étudiants de s'habiller comme le feraient les individus dont ils endossaient le rôle. Ca reste un jeu avec une dimension ludique qui est importante, mais c’est un jeu sérieux.  Je trouve que c'était vraiment quelque chose de positif et qu'ils ont tous beaucoup apprécié. Pouvoir leur offrir un temps comme celui-ci dans leur formation est, il me semble, intéressant ; ça renforce les liens entre eux et contribue sans doute à un rapport différent à l'université. Je pense aussi que ça leur fait du bien de sortir des salles de cours pour expérimenter quelque chose de différent.

 

Quels sont les retours que vous avez eus du côté des étudiants ? 

Ils se sont tous dits très contents d'avoir participé à cet événement. Certains auraient aimé que ça dure plus longtemps parce que c'était très frustrant mais pour d'autres moins à l’aise avec l’exercice, plus timides et qui connaissaient moins le fonctionnement de l'Union européenne cela a pu être plus difficile et donc deux jours, c'était le bon format. Ils ont aussi été plusieurs souhaité être davantage formés sur la thématique de l’agriculture durable et de l’alimentation sur laquelle ils avaient travaillé.

 

Quel bilan faites-vous ? Pensez-vous reconduire l’événement ?

 Cette année, tout a été fait sur un temps très court.

Je pense qu’il aurait peut-être fallu que ça arrive un peu plus tôt dans l'année pour que les étudiants puissent plus facilement se connaître car ça n'a pas toujours été évident de briser la glace entre les différents masters ou de travailler entre eux en amont. Et avec le contexte de l'épidémie ce n'était pas évident.

Pour renouveler l’événement l'année prochaine, s’il peut être financé, il faudra voir comment l’intégrer dans les maquettes. C’est en discussion avec les collègues, nous réfléchissons ensemble à la question.

On peut par exemple s’inspirer de ce que fait l’association à Montpellier où le dispositif est vraiment intégré dans la maquette, et où il y a une fiche d'évaluation avec des grands items à noter.

 

  

Publié le 18 juillet 2022